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POUR LE CHANGEMENT DE LA CONSTITUTION Par william BINYINGELA TSHILLOLO



Depuis un certain temps, la toile est alimentée par un débat houleux autour de la question de révision ou de changement de la constitution. Les uns sont pour la révision, les autres pour le changement, sans toutefois avancer les raisons sous-tendant leur position.

Dans le cadre de la présente étude, il conviendrait de brosser les deux tendances, en dégageant le contenu de chaque thèse (1) puis l'antithèse (2) pour chuter sur la synthèse (3)

Sans plus tarder, comme l'affirme CONAC, (CONAC : 1995)  les lois étant faites pour les hommes et non les hommes pour les lois, elles doivent être adaptées aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites.

Cependant, chaque revisitation d'un texte aux fins d'adaptation devra être justifiée pour ce faire.

En effet, l'exposé des motifs de la constitution en vigueur renseigne que « depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la République Démocratique du Congo est confrontée à des crises politiques récurrentes dont l’une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des Institutions et de leurs animateurs.

Cette contestation a pris un relief particulier avec les guerres qui ont déchiré le pays de 1996 à 2003.

En vue de mettre fin à cette crise chronique de légitimité et de donner au pays toutes les chances de se reconstruire, les délégués de la classe politique et de la Société civile, forces vives de la Nation, réunis en Dialogue inter congolais, ont convenu, dans l'Accord Global et Inclusif signé à Pretoria en Afrique du Sud le 17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une nouvelle Constitution démocratique

sur base de laquelle le peuple congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants, au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles.

A l’effet de matérialiser la volonté politique ainsi exprimée par les participants au Dialogue inter-Congolais, le Sénat issu de l’Accord Global et Inclusif précité, a déposé, conformément à l’article 104 de la Constitution de la transition, un avant-projet de la nouvelle Constitution à l’Assemblée nationale qui l’a adopté sous-forme de projet de Constitution soumis au référendum populaire. » 

Le 18 Février 2006, le souverain avalisa ce projet de constitution.

Dix huit ans après l'approbation de cette Constitution, des voix se lèvent pour la revoir ou  carrément la mettre à la poubelle pour une nouvelle. Cependant, les deux tendances ne donnent pas clairement les raisons sous-tendant leur position comme souligné ci-haut.

Ainsi donc, il conviendrait de voir la notion de révision constitutionnelle avant de disséquer les raisons la sous-tendant.

 

I. révision constitutionnelle et raisons

A. La révision

Comme le souligne par J-L ESAMBO KANGASHE, (J-L ESAMBO : 2013 ) élaborée par le pouvoir constituant originaire, la Constitution n’est pas faite pour l’éternité ; elle est appelée à s’adapter à l’évolution, sans cesse changeante, de la société. La révision vise, donc, la conformité de la Constitution à l’évolution de la société, mieux à celle du temps.

Le temps joue un rôle capital dans la pérennisation ou non des règles constitutionnelles.

En effet, certaines dispositions Constitutionnelles peuvent, au regard de l'évolution de la société, se révéler inadaptées, c'est pourquoi il est recommandé de les revoir afin de les adapter.


C'est ainsi que la Constitution prévoit la possibilité de sa révision en son article 218, mais toutefois, certaines matières ne peuvent être révisées en vertu de son article 220. De même, on peut réviser la Constitution à une certaine période, notamment l'enfant l'état de siège, en vertu de l'article 219.

Quant à l'initiative de la révision constitutionnelle, cette dernière émane soit ;

1. Du Président de la République;

2. Du Gouvernement après délibération en Conseil des ministres;

3. De chacune des Chambres du Parlement à l’initiative de la moitié de ses membres ;

4. D'une fraction du peuple congolais, en l’occurrence 100.000 personnes,


s’exprimant par une pétition adressée à l’une des deux Chambres.

Chacune de ces initiatives est soumise à l’Assemblée nationale et au Sénat qui décident, à la majorité absolue de chaque Chambre, du bien fondé du projet, de la proposition ou de la pétition de révision. La révision n’est définitive que si le projet, la proposition ou la pétition est approuvée par référendum sur convocation du Président de la République. Toutefois, le projet, la proposition ou la pétition n’est pas soumis au référendum lorsque l’Assemblée Nationale et le Sénat réunis en Congrès l’approuvent à la majorité des trois cinquièmes des membres les composant. (Article 218).


B. Les raisons.

Nous avons précédemment souligné qu'élaborée par le pouvoir constituant originaire, la Constitution n’est pas faite pour l’éternité ; elle est appelée à s’adapter à l’évolution, sans cesse changeante, de la société.

La Constitution en vigueur a fait montre de ses limites notamment en ce qui concernent ;

1. Le nombre des mandats du président de la République ;

2. L'existence pléthorique des institutions budgétivores telles que le Sénat ainsi que le nombre exagéré des membres du gouvernement

3. L'imprécision de certaines dispositions consacrant l'impunité

4. L'inadaptation du régime politique à la conception Congolaise du pouvoir.


Il convient de souligner que les inconvénients précités sont non exhaustifs. Nous avons juste recensé quelques-uns.

Quant au premier point (1), il conviendrait de souligner qu'aux termes de l'article 70,Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.


L'homme Congolais n'ayant pas encore implémenté la culture de la continuité des services publics, parce que chaque fois qu'un nouveau président entre en fonction, il fait tabula rasa sur les chantiers de son prédécesseur pour des nouveaux projets qu'il ne parachève pas, au lieu de reprendre là où le prédécesseur a laissé avant d'embrasser des nouveaux projets. A cela d'adjoint l'instabilité politique lorsque la majorité politique et parlementaire ne coïncident pas. Le nouveau président élu reste ainsi dans des tractations politiques pendant au moins deux ans afin de se constituer une majorité parlementaire pour la stabilité de l'action gouvernementale. On tombe ainsi dans un éternel recommencement.

Quant au deuxième point (2), aux termes de l'article 100 de la constitution, notre parlement est bicaméral, cependant, la seconde chambre ne sert presque à rien et est caractérisée par une immoralité à outrance alors que ses animateurs doivent être des modèles.

La plupart des candidats corrompent quelques députés provinciaux pour accéder à cette fonction. Une fois dedans, ils ne font convenablement leur travail. Il suffit de voir l'état de nos provinces pour se faire une idée de ce que sont nos sénateurs.

A cela d'adjoint la prédominance de la position de l'Assemblée nationale sur le sénat lors de l'adoption des textes de lois quand les deux chambres ne s'accordent pas. (Article 135 Alinéa 2)


A cela d'adjoint la prérogative d'exercer une motion de censure ou de défiance qui est exclusivement réservée à l'Assemblée nationale et non au sénat.

Notre sénat apparaît comme une coquille vide qui coûte inutilement à la République au regard de tout ce qui vient d'être évoqué et mérite d'être supprimé.

Quant à l'imprécision de certaines dispositions, point trois (3) à titre d'exemple, nous avons le cas de l'ancien premier ministre. Il n'y a pas longtemps, la cour constitutionnelle s'était déclarée incompétente pour juger un ancien premier ministre avant de se rétracter par la suite. Comme si le constituant consacrait de l'impunité. Il faudra clairement préciser le juge naturel de l'ancien premier ministre pour des faits commis pendant ou à l'occasion de ses fonctions.


Quant au dernier point, (4) en droit Congolais, c'est le gouvernement qui définit la politique de la nation (Article 91) et qui en assume la responsabilité devant l'Assemblée nationale par le biais du premier ministre (146)

Cette organisation Constitutionnelle de l'exercice du pouvoir échappe au mental du Congolais. Car, chaque fois que ça ne va pas, ce n'est pas le premier ministre qu'on indexe, mais plutôt le président de la République alors qu'il ne conduit pas la politique de la nation et est politiquement irresponsable devant l'Assemblée nationale.


A cela d'adjoint certaines pressions qu'exercent le président sur certains membres du gouvernement pour la prise de certaines décisions. Il conviendrait de formaliser cela en changeant de régime politique par la responsabilisation du président sur le plan politique.

Mais cette révision ne peut être possible, car le pouvoir de révision reconnu au constituant dérivé qu'est le parlement est limité d'autant plus qu'il ne peut toucher à certaines matières, ni réviser la constitution à une certaine période, ( voir les articles 219 et 220 de la constitution) 

Ce qui nous pousse à parler du changement de la Constitution en lieu et place de la révision.


II. Changement de la Constitution et raisons


A. Le changement de la Constitution

Tel que le souligne ESAMBO KANGASHE, (2013) Le changement de constitution consiste à abroger l’ancienne Constitution en la remplaçant par une nouvelle. Cependant, le recours à la technique de double révision consistant dans un premier temps, à supprimer l'interdiction de réviser une norme constitutionnelle verrouillée (1) pour parvenir à la révision de celle-ci, (2) constitue également un changement de Constitution.

La technique de double révision est considérée comme étant une fraude à la constitution et est prohibée en droit Constitutionnel.

Ainsi donc, pour des raisons d'orthodoxie Constitutionnelle dans la procédure, on ne peut, dans ce cas précis, parler de révision, d'autant plus que les matières à revoir sont verrouillées par le constituant originaire tel que démontré au terme du précédent point. Le concept qu'il conviendrait d'évoquer est celui de "changement" et non révision.


B. Raisons

Les raisons du changement de l'actuelle Constitution sont les mêmes que celles évoquées dans le cadre de la révision. Qui du reste, ne peut s'envisager.

L'autre raison est relative à l'organe ayant rédigé le projet de Constitution en vigueur. Ses animateurs n'étaient pas des représentants élus par le peuple. Il se pose une illégitime procédurale. Et aussi, bien qu'étant adoptée par le peuple, le contenu de la constitution n'était connu du grand public. Il fallait une campagne de sensibilisation sur le contenu du texte Constitutionnel. Opérer un choix rationnel suppose qu'on est suffisamment informé. Le contraire c'est comme emmener un mouton pour adopter quelque chose dont il ne connait ni les tenants, ni les aboutissants.


III. Synthèse.


Chaque texte Constitutionnel ou légal a un ou des objectifs à atteindre, La règle de droit est faite pour l'homme et non le contraire, elle est appelée à s'adapter à l'évolution de la société chaque fois que le besoin l'exige. Aucun texte Constitutionnel n'est éternel.

L'actuelle Constitution a montré ses limites et mérite d'être mis de côté au profit d'une nouvelle.

Chaque texte Constitutionnel recèle un esprit, l'actuel Constitution a été rédigée par des belligérants dans un contexte politique caractérisé par la guerre.

C'était une solution conjoncturelle et temporaire aux problèmes de cette époque.

Dans le contexte sous examen, la révision constitutionnelle est impossible d'autant plus que le pouvoir de l'autorité de révision de la constitution est limité aux articles 219 et 220 de la constitution par le verrou de certaines matières bénéficiant du principe de l'intagibilité Constitutionnnel.

Toucher à ces matières seraient porter atteinte aux principes fondamentaux du texte Constitutionnel qui recèle l'essentiel de son esprit.

La technique de double révision telle qu'expliquée ci-haut est une fraude à la constitution et est prohibée en droit constitutionnel.

La seule façon orthodoxe de supprimer certaines dispositions serait le recours au changement de la Constitution.

 

Tel : +33 7 44 95 55 84

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Paris/France

 

 

Que Jésus Christ de Nazareth bénisse la République démocratique du Congo


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